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Violence domestique : qu’attend le Conseil fédéral ?

Article paru dans le Blick le 14.04.2025

Combien de nouvelles victimes faudra-t-il encore pour que notre gouvernement se décide enfin à prendre les mesures qui s’imposent. Il y a pourtant urgence ! 14 femmes sont déjà mortes depuis le début de l’année sous les coups de leur mari ou de leur compagnon. Des chiffres choquants qui appellent des décisions rapides. D’autant plus que le drame, qui s’est déroulé la semaine passée à Epagny, montre que cette folie meurtrière n’est pas sur le point de s’arrêter.

L’heure n’est plus aux déclarations mais aux actes. Même si des progrès ont été réalisés, ces efforts demeurent insuffisants face aux réalités douloureuses vécues par les victimes de la violence domestique. Ce phénomène touche avant tout les femmes mais aussi des hommes et de nombreux enfants. Toutes les classes sociales et toutes les générations sont concernées. Or le Conseil fédéral ne donne pas du tout le sentiment de mesurer l’ampleur du phénomène. Au contraire il traîne les pieds. C’est intolérable et inacceptable.

Car des solutions existent pourtant : en juin 2024, j’ai incité le Conseil fédéral à inscrire la notion de contrôle coercitif dans notre Code pénal et notre Code civil. Car la violence domestique ne se résume pas à des atteintes physiques. Elle commence souvent par des pressions psychologiques et des contrôles répétées du téléphone, des fréquentations, de la tenue vestimentaire, ou encore par du harcèlement moral. Or ces actes, qui entraînent souvent de graves conséquences pour les enfants, ne sont pas sanctionnés dans notre législation.

Quelle n’a pas été ma consternation quand le Conseil fédéral a répondu que ces mesures n’étaient vraiment pas nécessaires. Quelle inconscience !  L’Angleterre, l’Ecosse, le Danemark ou l’Australie ont pourtant d’ores et déjà introduit le contrôle coercitif. L’Assemblée nationale française et le Sénat planchent eux aussi sur cette disposition. Face à l’absence de réactivité de la part de notre gouvernement, je suis revenue à la charge ce printemps avec une motion soutenue par des élues de tous les partis. Un symbole très fort.

Nous ne demandons pas la révolution mais une adaptation de notre législation. Le contrôle coercitif est réclamé par de nombreux spécialistes et études, car il permet de renforcer la prévention contre la violence domestique et sa spirale de la violence. Pour ne pas en arriver au pire.

Autre exemple de cette passivité fédérale : en 2021, j’ai déposé au National, avec ma collègue Léonore Porchet, une initiative parlementaire visant à accroître la protection des victimes de la violence domestique et à développer le suivi des auteurs, afin de limiter la récidive. Je demande à la Confédération de s’inspirer de la loi vaudoise « qui frappe part ». Un instrument qui s’est avéré efficace, puisque les décisions d’éloignement ont été multipliées par dix dans le canton de Vaud

Les commissions du National et des Etats chargées d’examiner le projet ont donné leur feu vert. Or trois ans plus tard, il n’y a toujours pas de loi d’application. Aucun dispositif n’a vu le jour. Certes, la Suisse aime cultiver l’art du compromis et du perfectionnisme. Il y a tout de même des limites à ne pas dépasser.

Même tergiversation au niveau du téléphone unique pour les victimes de violence. Il n’est pas encore en service alors que Berne l’a promis pour cette année. Plus inquiétant : la Confédération, qui avait envisagé la mesure du bracelet électronique avec une surveillance dite active comme en Espagne, a renoncé. Ce serait trop cher. Mais quel est donc le prix d’une vie humaine pour le Conseil fédéral ? Si nous voulons éviter que la tragédie d’Epagny se répète encore et toujours, nous devons non seulement adapter nos lois mais aussi donner davantage de moyens au niveau de la prévention, de l’évaluation de risques et de la formation.

Il est temps que le Conseil fédéral fasse de la violence domestique une priorité nationale. Car le respect de l’intégrité physique et psychique, aussi bien dans la rue qu’à la maison, est un droit fondamental et non un privilège.

 

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale