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Pas de zones de non droit dans le monde virtuel

Article paru dans 24 Heures le 19-05.2025

Nous ne pouvons plus imaginer notre quotidien sans moteurs de recherche ou réseaux sociaux. Ils nous renseignent, nous informent mais ils façonnent aussi nos opinions, nous influencent et amplifient le mal-être des adolescents de manière significative. Ils sont également devenus le terrain de prédilection pour les piratages en ligne. Un Suisse sur sept admet avoir été victime d’une cyberattaque. Combien se taisent ?

A travers des algorithmes, les opérateurs des plateformes décident quand, comment et quelles informations ils veulent publier, pouvant ainsi favoriser la désinformation. Ils exercent aussi une position dominante dans certains secteurs du commerce en ligne, en imposant leurs prix ou des mécanismes arbitraires. Ce qui nuit à la concurrence et, par conséquent aux consommateurs.

Ce qui est illégal dans la vraie vie, l’est aussi dans le monde virtuel. Nous ne pouvons pas tolérer ces zones de non-droit et les abus. Il est temps de poser des limites au pouvoir grandissant des opérateurs des plateformes.

Or le Conseil fédéral tarde à réagir. Il vient de repousser la question d’une règlementation à plus tard. C’est regrettable, d’autant plus qu’il existe un projet pour mieux cadrer les plateformes numériques.

Si chaque proposition législative doit être étudiée dans le contexte géopolitique, ce retard laisse la pénible impression d’une dépendance de notre pays à l’égard des entreprises américaines. Ce qui risque de porter atteinte à notre souveraineté numérique et à la formation éclairée de l’opinion publique.

Nos droits fondamentaux et notre démocratie méritent mieux. Une lettre ouverte au Conseil fédéral, que j’ai signée, appelle le gouvernement à s’engager et surtout à proposer un plan précis sur la transformation des réseaux sociaux en des espaces favorisant un dialogue constructif, accessible à tous, donnant accès à des informations fiables.

Plus de tergiversations. Car ce serait une erreur que de sous-estimer la capacité d’adaptation des plateformes numériques. Il faut prendre les mesures qui s’imposent, ajuster notre réglementation aux nouvelles réalités internationales. Mettre en place une meilleure gouvernance des algorithmes, sans desservir l’innovation.

Restreindre, dans un pays à la démocratie semi-directe, les actions d’influence, organisées depuis l’étranger, est non seulement indispensable mais aussi conforme à nos valeurs. C’est ce qu’a fait l’Union européenne en se dotant d’un règlement sur les services numériques (DSA) qui fixe des obligations dans la modération des contenus, le ciblage publicitaire ou encore des systèmes de recommandation. Sans reprendre cette règlementation telle quelle, nous devrions nous en inspirer, en l’adaptant à nos besoins.

Les citoyens et notre économie ont tout à gagner d’une meilleure protection contre les fake news, la publicité mensongère, les fraudes et les arnaques en tout genre.

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale