Jacqueline de Quattro > Articles de presse  > Il est temps de nous réveiller

Il est temps de nous réveiller

Article paru dans Le Matin Dimanche le 07.12.2025

Quel sera le visage de la guerre de demain ? Comment nous touchera-t-elle ? Quel sera le rôle de l’intelligence artificielle, des drones, des robots tueurs, des fusils laser ? Une guerre d’ingénieurs, de techniciens plutôt que de soldats ? Ces questions sont devenues la priorité des états-majors européens depuis que l’invasion de l’Ukraine a déstabilisé la situation internationale et fait craindre le pire. Des questions que la Suisse doit se poser, elle aussi.

Car la menace est de retour. La guerre se profile en Europe. La Finlande, la Pologne, les Etats baltes, l’Allemagne, la France s’y préparent en se réarmant. Tous craignent les projets guerriers de Vladimir Poutine. Même s’il se défend d’avoir des velléités belliqueuses envers l’OTAN. Plus personne ne le croit.

Ces inquiétudes sont fondées. La Russie reconstruit ses forces armées au pas de charge. Ses usines produisent des blindés et des lances missiles par milliers. Le pays de Vladimir Poutine a la capacité d’étendre la guerre en Europe. Les experts pensent que les Russes pourraient lancer une attaque contre le Vieux continent en 2028, voire plus tôt.

Face à ce contexte géopolitique volatile et dangereux, l’architecture sécuritaire de la Suisse est-elle efficace ? Sommes-nous en mesure de résister, de sauvegarder les intérêts de notre pays et de protéger notre population ? Le constat est sans appel. Non. Nous sommes vulnérables.

Depuis la chute du Mur de Berlin, notre politique de sécurité a été reléguée au second plan, tant au niveau financier que sur le plan de la capacité opérationnelle. Si nous voulons remplir le mandat constitutionnel qui consiste à garantir la liberté, la sécurité et notre souveraineté, cela doit changer. Nous devons prendre les mesures qui s’imposent et faire preuve de courage.

Prenons l’exemple de la défense du ciel helvétique, qui ressemble à une véritable passoire. La Suisse ne serait pas en mesure de repousser une attaque de drones comme celle qu’a connue la Pologne. Préoccupant.

La commission de politique de sécurité du National, que je préside, a ainsi demandé au Conseil fédéral la mise en place d’une défense efficace contre les drones et les menaces aériennes. Il est en effet urgent de moderniser et d’accélérer les procédures d’acquisitions afin d’obtenir au plus vite les systèmes et les munitions nécessaires à la protection de notre espace aérien. Le National doit se prononcer ces prochains jours.

Cessons aussi de nous déchirer autour du F-35. De retour d’un voyage en Belgique avec le conseiller fédéral Martin Pfister, j’ai pu observer de près l’appareil. De ce que j’ai pu voir, la Suisse a fait une bonne acquisition. Vouloir renoncer à l’avion combat serait, dans le chaos géopolitique actuel, une réaction extrêmement risquée. Du point de vue stratégique mais aussi financier.

Notre industrie d’armement doit également être soutenue. Une exigence impérative. Le Parlement a fait un premier pas en assouplissant la loi fédérale sur le matériel de guerre. Ce qui permettra son exportation et sa réexportation, sous des conditions strictes afin de respecter notre neutralité. Cette adaptation est essentielle pour que nos entreprises restent performantes.

Cette modification contribuera à conserver des lignes de production chez nous, à renforcer notre capacité de défense et à innover dans les nouvelles technologies. Nous avons les entreprises compétentes notamment en Suisse romande. Un référendum est probable d’où l’importance d’expliquer à la population que le danger est réel.

Enfin, il faudra oser sortir des œillères habituelles et examiner si la Suisse, conformément à la volonté du Conseil fédéral, ne devrait pas conclure un partenariat de sécurité et de défense avec l’Europe. Une collaboration respectueuse de notre neutralité est envisageable.

La stratégie du hérisson, qui consistait à ce que la Suisse se défende toute seule, est dépassée et illusoire. Nous devons tirer les enseignements de la guerre en Ukraine et adapter les besoins de notre armée en conséquence. Inspirons-nous de nos voisins. Il est temps de  se réveiller

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLR