Innover pour sortir de la crise
Article paru dans Le Matin Dimanche le 19.10.2025Innover en Suisse devient compliqué. Les start-ups peinent à trouver des financements. En 2024, les investissements pour les jeunes pousses helvétiques ont chuté de 15 % par rapport à l’année dernière. C’est la deuxième année consécutive qu’une diminution est enregistrée. Si les investisseurs se tournent encore vers la biotech et l’intelligence artificielle, d’autres secteurs comme les activités environnementales, l’énergie ou les sciences de la vie sont eux moins prisés.
Cette situation est préoccupante. Elle met en danger notre prospérité, qui est déjà entravée par les droits de douane américains. La baisse des fonds pour les start-ups pénalise encore davantage notre compétitivité avec, à la clé, de graves conséquences. Elle affaiblit notre tissu économique, accélère la fuite des cerveaux et menace l’attractivité de certains secteurs stratégiques. Il faut y ajouter le départ vers l’étranger de nombreux jeunes talents qui finissent par bénéficier à des pays tiers.
Or les start-ups sont un maillon essentiel de notre économie. Elles permettent non seulement d’être à la pointe du progrès mais aussi de maintenir l’emploi et de créer des postes de travail. L’innovation est leur moteur. Résultat : la Suisse est depuis plus de dix ans le pays le plus innovant au monde. Elle devance la Suède et les Etats-Unis. Favoriser les écosystèmes d’innovation est donc un investissement rentable.
Trouver des solutions est un challenge, d’autant plus que l’heure est aux économies. La recherche n’échappe pas aux coups de ciseaux. Quant à notre Banque nationale, elle fait malheureusement preuve de réticences à financer des entreprises innovantes. Il faut bien admettre que la culture du risque est timide dans notre pays.
Pour pallier à ce manque d’investissements et aux éventuels départs vers l’étranger de start-ups, il existe un instrument pertinent : les « matching grants » ou « financement de contrepartie ». Ce concept a déjà séduit l’Angleterre, la Corée du Sud, Singapour et bien d’autres pays où il a fait ses preuves.
L’idée consiste à créer un mécanisme public-privé qui supplée à une inefficience du marché et assure un destin helvétique aux jeunes pousses qui réussissent. Concrètement, ce dispositif prévoit que l’octroi d’un fonds, en provenance notamment de la Confédération à une start-up, soit conditionné à ce que l’entreprise concernée obtienne d’autres ressources auprès de différentes sources de financement et demeure dans notre pays un certain temps.
Le montant de l’Etat ne serait versé au bénéficiaire que s’il remplit ces exigences. La mise en place du « matching grants » nécessiterait la création « d’un fonds de fonds » où les investissements publics et privés seraient réunis, la sélection des projets revenant aux acteurs privés.
Les avantages sont nombreux : appui à l’innovation, effet « boule de neige » sur un plan financier et risques pour les acteurs concernés réduits. Ce système garantit aussi à l’organisme public un droit de regard stratégique. Tout le monde se retrouve ainsi gagnant.
Que l’on ne s’y méprenne pas : il n’est pas question que l’Etat se substitue au secteur privé. Toutefois son soutien pourrait servir de tremplin au développement des start-ups. De plus, il s’agit d’investissements et non pas de dépenses. Ce qui évite les problématiques budgétaires liées au frein à l’endettement.
Les investissements (quelques centaines de millions) que Berne consacrerait au financement du « matching grants » seraient modestes si on les compare aux participations de la Confédération aux CFF, à Swisscom ou encore à la Poste, à RUAG, etc. Ceux-ci se montaient à plus de 74,6 milliards en 2024.
C’est la raison pour laquelle, j’ai demandé au Conseil fédéral d’évaluer les avantages du « matching grants » pour notre pays. Est-il prêt à investir dans un fonds. Ou envisage-t-il d’autres alternatives pour venir en aide à nos start-ups.
La chute d’AVA, icône de la scène suisse des start-ups en 2023, a marqué les esprits. Soutons nos entreprises. Nous aurons besoin d’elles pour affronter les crises qui nous attendent.
Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale