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2ème pilier : n’oublions pas les promesses faites aux femmes

Article paru dans le Temps 11.12.2022

Il est temps de concrétiser les promesses faites aux femmes. Pendant la campagne sur l’augmentation de l’âge de l’AVS, plusieurs milieux politiques et économiques se sont dits prêts à apporter des améliorations pour les femmes dans le cadre de la révision du 2ème pilier. Or les décisions qui sont ressorties actuellement des débats parlementaires ne sont pas satisfaisantes. On peut faire mieux. Il s’agit non seulement de respecter les engagements pris mais aussi de répondre à l’évolution de la société.

Le chiffre interpelle : 37%. C’est l’écart de rente entre les femmes et les hommes retraités sur l’ensemble des trois piliers. C’est ce que révèle un rapport de l’Office fédéral des assurances sociales à l’intention des parlementaires. Si AVS est égalitaire – sauf pour des femmes mariées (encore une injustice qu’il faudra réparer) -, la prévoyance professionnelle, elle ne l’est pas. Il existe un véritable fossé entre les genres dans ce domaine. Les femmes y reçoivent en moyenne une rente inférieure de 47 % à celle des hommes.  Et près d’un tiers des nouvelles retraitées ne perçoivent pas de 2ème pilier.

Certes, cette différence s’explique par de multiples raisons. Les femmes sont souvent employées dans des secteurs à bas salaires et à temps partiel. Quand elles deviennent mères, nombreuses sont celles qui doivent réduire leur temps de travail ou interrompre leurs activités professionnelles pour s’occuper des enfants. Ce qui entraîne fatalement des conséquences négatives sur leur prévoyance professionnelle.

Avec ses trois piliers, notre pays dispose d’un système robuste, qui diversifie les risques économiques et démographiques. Au fil des ans, cette solidité s’est pourtant fragilisée, car la Suisse compte davantage de retraités qui vivent de plus en plus longtemps. Nous devons donc réformer notre prévoyance professionnelle. Mais pas sur le dos des femmes.

Pas une nouvelle fois ! C’est au contraire l’occasion de renforcer le statut des femmes. Des ajustements sont non seulement justifiés mais nécessaires sans pour autant mettre en péril la cohérence de notre 2ème pilier. Le seuil d’entrée pour pouvoir cotiser qui se situe actuellement à 21’510 fr par an, doit être abaissé.

Ill faut aussi supprimer la déduction de coordination, à l’image du Liechtenstein, qui a déjà introduit cette disposition avec succès. La déduction de coordination sert à déterminer le salaire assuré auprès de la caisse de pensions. Elle correspond à 7/8 de la rente annuelle AVS maximale.

Ces aménagements représentent moult avantages. Le seuil d’entrée et la déduction de coordination, qui déterminent le salaire assuré, sont des montants fixes, et donc indépendants du taux d’activité. Ce qui permet aux bas salaires de se constituer une meilleure retraite ainsi qu’aux personnes qui ont divers emplois. Un plus certain pour les femmes qui sont nombreuses à exercer ce type d’activité.

Par ailleurs, la suppression de la déduction de coordination tient compte des changements du monde du travail. Avec les modes de vie actuelle, il y a de plus en plus hommes qui choisissent de travailler à temps partiel, indépendamment des professions, avec ou sans enfants.

La balle est à présent dans le camp du Parlement. Après le Conseil des Etats, le National débattra de cette révision. Aux parlementaires de montrer leur détermination à aller plus loin que le projet présenté par la commission. A le remanier pour qu’il soit plus équitable envers les femmes. Surtout que de nombreuses Suissesses ont soutenu AVS 21, au nom de la solidarité envers les générations futures.

La société ne peut pas demander des sacrifices aux femmes sans qu’elles obtiennent des compensations. D’autant plus qu’elles continuent de gagner 18% de moins que les hommes selon l’Office fédéral des statistiques, que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale demeure difficile, que l’imposition individuelle n’est toujours pas réalisée. Ou encore que le Conseil fédéral envisage d’exiger que les Suissesses accomplissent leur service militaire.

Les femmes se sont montrées jusqu’à présent solidaires et patientes. Leur attitude pourrait changer, car elles savent que leurs revendications sont équitables et raisonnables. Elles ne se laisseront pas imposer de nouvelles mesures qui les pénalisent. Le petit oui à la hausse de l’âge de la retraite a sonné comme un avertissement.

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLRVD