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Il est urgent d’adapter notre politique sécuritaire aux nouvelles menaces

Article paru dans le Temps, le 21.06.2022

L’Europe vit une nouvelle période sombre de son Histoire. La ligne de fracture entre le monde occidental et la Russie se renforce. Ceux qui espèrent que cette confrontation ne sera qu’un phénomène à court terme risquent de déchanter. Le déséquilibre sera durable, les répercussions importantes, les risques élevés. Face à ces nouvelles menaces, notre politique de sécurité doit s’adapter.

La sécurité est l’une des conditions fondamentales d’un Etat de droit souverain, d’une vie libre, d’une économie prospère. Seule une Suisse forte peut garantir à sa population la liberté, la démocratie et les droits fondamentaux. Depuis la chute du Mur de Berlin, notre politique de sécurité a été reléguée au second plan.

L’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine a relancé le débat sur l’effet dissuasif et les capacités de notre armée. Sommes-nous en mesure de sauvegarder les intérêts de notre pays et de protéger notre population ? Le constat est édifiant : ous sommes vulnérables.

La stratégie du hérisson, qui consiste à ce que la Suisse se défende et se protège toute seule, est dépassée et irréaliste. Elle ne correspond plus au contexte géopolitique actuel. Nous n’avons pas d’autre choix que d’adapter rapidement notre politique de sécurité aux nouvelles menaces. Et le développement de la coopération militaire est un moyen d’y parvenir.

Pour moi, il n’est pas question que la Suisse adhère à l’OTAN. Notre pays est neutre et doit le rester. Il participe d’ailleurs a activement à des actions de maintien de la paix. Notre pays peut cependant travailler de manière plus étroite avec l’Alliance atlantique, notamment dans le cadre de l’interopérabilité des forces armées : exercices militaires en commun, reprise des normes et procédures. A l’image de la Finlande et de la Suède, qui ont su collaborer intelligemment avec l’OTAN, nous disposons nous aussi d’une certaine marge de de manœuvre, compatible avec notre neutralité.

Il apparaît aussi essentiel de suivre le développement du projet de coopération européenne (PESCO), qui pourrait offrir des opportunités à notre recherche et à notre industrie de défense. Toutes ces coopérations doivent être abordées sans tabou et sans œillère idéologique.

Pour une politique de sécurité efficace, il nous faut une armée moderne et tournée vers l’avenir. Elle manque de capacités dans les domaines de la défense aérienne et des troupes au sol. Il est totalement irresponsable de retarder l’achat du FA-35 par un referendum ou de vouloir freiner la modernisation des forces terrestres. Il faut au contraire accélérer les processus d’acquisition et augmenter les budgets militaires en conséquence.

Si la guerre conventionnelle est de retour, elle ne doit pas occulter les nouvelles menaces. Les cyberattaques sont en pleine expansion. La consolidation de la cyber-résilience, que ce soit au niveau des institutions, de l’armée, des personnes privées ou encore des entreprises, est indispensable.

Dans cette perspective, la mise en place d’un secrétariat d’Etat, de la cyber-sécurité mérite d’être étudiée. Le besoin de coordination et d’information est énorme. Nous pouvons aussi promouvoir la cyber-diplomatie, dans laquelle la Suisse pourrait jouer un rôle clé. Les solutions existent. Reste à les concrétiser.

Enfin et surtout, nous devons mener une réflexion stratégique approfondie pour mieux anticiper les crises et détecter de manière précoce les menaces et les dangers et optimiser la gestion de crise. Lorsque j’ai proposé au Conseil fédéral au début de la pandémie une structure de gestion de crise au niveau de la Confédération, il l’a jugée inutile. Elle nous aurait pourtant été utile.

Enfin, il est indispensable de consolider la protection civile, d’augmenter la résilience de nos infrastructures, d’assurer la sécurité énergétique et l’approvisionnement alimentaire.

Regardons les réalités en face et prenons les décisions qui s’imposent. Notre politique de sécurité doit être prête à répondre aux menaces d’aujourd’hui et à celles de demain.

 

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLR