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Le consensus helvétique en danger.

Article paru dans le Matin Dimanche, le 10.07.2022

Notre culture du consensus est aujourd’hui fragilisée, voire menacée. Cet art du compromis à la mode helvétique, envié au-delà de nos frontières, qui a fait la prospérité de la Suisse, contribué à sa stabilité et renforcé sa cohésion, est en danger. Des fractures, des divisions sont apparues à la suite des crises que nous traversons. Notre pays est en train de se polariser et d’oublier les vertus du dialogue et de l’écoute.

La pandémie et à présent la guerre en Ukraine ont des répercussions sur notre quotidien. Nous traversons une période de turbulences et d’incertitudes où les repères s’estompent et où les perspectives s’éloignent. Des risques pèsent sur notre approvisionnement, que ce soit au niveau alimentaire ou énergétique. Notre pays devra affronter des pénuries.

Par ailleurs, les prix flambent faisant grimper l’inflation. Les Suisses ont peur pour leur pouvoir d’achat. Quant aux entreprises et aux PME, elles craignent de manquer de matières premières et de main d’œuvre alors que les carnets de commande sont pleins.

Ces tensions sont encore accentuées par la remise en cause de certains acquis. Ainsi le droit à l’avortement et à l’autodétermination n’est pas seulement mis à mal aux Etats-Unis mais aussi chez nous. Le réchauffement climatique, la pression migratoire, l’augmentation de l’insécurité sont également des facteurs qui conduisent à une polarisation du pays.

Quand le doute s’installe, la tentation est forte de se tourner vers des discours simplistes, des solutions rapides. La défense des intérêts particuliers ou de groupuscules prime sur l’intérêt général, tant les positions sont figées. Nous assistons à un retour du dogmatisme, du protectionnisme, alors que nous devrions plus que jamais privilégier le consensus.

Prenons l’exemple de l’énergie. Notre approvisionnement en électricité et notre souveraineté énergétique ne pourrons être assurés que si nous réussissons à booster nos énergies renouvelables et l’efficience énergétique. Pour y parvenir un consensus est primordial entre tous les acteurs concernés. Il est urgent d’accélérer les procédures et de limiter les multiples recours dont usent et abusent certaines associations et particuliers. Car trop souvent, des projets d’intérêt public sont bloqués par ces manœuvres dilatoires.

Comment justifier dans les circonstances actuelles qu’une mouche puisse faire capoter une centrale hydraulique dans le haut Valais ? Ou que le développement des éoliennes soit entravé au nom du paysage ? Notre perfectionnisme risque de nous amener dans l’impasse. Où est l’esprit pionnier des Suisses ? Sans consensus, sans vision, nos ancêtres n’auraient pas construit les barrages, les tunnels, les ponts qui font aujourd’hui notre fierté et notre richesse.

Trouver un consensus est aussi indispensable pour garantir un financement sûr et durable des assurances sociales. Ce dossier déchire actuellement le Parlement et les citoyens. Les clivages stériles autour des primes-maladie, de l’AVS ou du 2ème pilier sont destructeurs.  Ils compromettent notre cohésion sociale et la solidarité entre les générations. La question européenne souffre des mêmes maux, avec de graves conséquences notamment pour notre économie et notre recherche.

En ces temps de crise, les Suisses veulent des réponses concrètes à leurs préoccupations. Notre pays a besoin de solutions forgées sur ¨la base de compromis pragmatiques, réalistes et économiquement supportables. Ce n’est en aucun cas la voie de la compromission mais bien celle de la responsabilité.

ll appartient maintenant à la classe politique, en particulier au Parlement de montrer l’exemple en réhabilitant le consensus. Notre pays doit sortir des divergences partisanes, s’il veut relever avec succès les défis de demain à commencer par le maintien du pouvoir d’achat et la garantie de l’approvisionnement. Le consensus helvétique est trop précieux pour être jeté aux orties.

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLR