Jacqueline de Quattro > Articles de presse  > La lutte contre la pénurie du personnel qualifié doit devenir une priorité du Conseil fédéral

La lutte contre la pénurie du personnel qualifié doit devenir une priorité du Conseil fédéral

Article paru dans le journal de l'USAM le 11.11.2024

La pénurie de main-d’œuvre qualifiée fait rage dans notre pays. Elle atteint une ampleur inédite, Les chiffres sont alarmants : 300’000 travailleurs pourraient manquer d’ici à 2034 alors que 114.000 postes sont actuellement vacants. Or le Conseil fédéral semble sous-estimer la gravité de la situation. Aucune véritable stratégie n’a été mise en place pour lutter en particulier contre le manque de personnel qualifié.

Nos entreprises éprouvent des difficultés croissantes à recruter des ingénieurs, des informaticiens, des monteurs en panneaux solaires ou encore du personnel de santé. C’est une réalité qui frappe le marché de l’emploi depuis plusieurs années. Mais le phénomène va s’aggraver avec le vieillissement de la population. L’arrivée des jeunes ne parviendra pas à compenser les départs à la retraite des travailleurs issus de la génération dite du « baby-boom ». Et cette absence de personnel est encore accentuée par un chômage très bas, se situant aux alentours de 2.4%.

Pour combler ce manque, la Suisse ne pourra plus compter sur l’apport des travailleurs issus de l’immigration européenne. Car la concurrence internationale pour attirer la main-d’œuvre qualifiée progresse partout dans le monde. Malgré ses hauts salaires et un cadre de vie apprécié, notre pays n’est pas le mieux placé, dans cette course pour attirer les talents de demain et les cerveaux. C’est ce qu’affirment de nombreux spécialistes. D’où la nécessité d’agir sans plus tarder. Car nous allons continuer d’entendre parler de pénurie.

Que fait le Conseil fédéral ? Lors de la session d’automne, je lui ai demandé s’il était prêt à élaborer une stratégie pour enrayer la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Un plan d’action qui figurerait parmi ses priorités. Car aujourd’hui cet objectif stratégique se trouve uniquement dans les tâches permanentes du gouvernement. Les milieux économiques considèrent à juste titre que cet engagement est insuffisant.

Le Conseil fédéral est certes conscient de l’importance de la main-d’œuvre qualifiée pour nos entreprises. Mais il estime que nous disposons d’une politique économique et d’un système formation efficaces. Que le marché du travail fonctionne très bien et qu’il s’adapte aux besoins de l’économie. Il considère donc qu’aucune intervention particulière de l’État n’est nécessaire et qu’il appartient à nos entreprises de se préparer aux changements structurels et démographiques attendus.  Bref, nos sept Sages bottent en touche.

Soyons clairs : les mesures existantes ne suffisent pas. D’autres moyens d’actions sont indispensables. Une économie spécialisée comme la nôtre exige du pragmatisme et de la cohérence. Ce qui fait défaut actuellement, c’est une stratégie associant tous les acteurs concernés. A savoir la Confédération, les cantons et les partenaires sociaux. Travailler ensemble, tirer tous à la même corde, permettra à la fois d’avoir une vision globale et de mettre en oeuvre des solutions performantes.

Cette méthode a fait ses preuves, il y a quelques années.  A titre d’exemple : des tables rondes sur le thème des travailleurs âgés ont été organisées. Suite à ces discussions, le Conseil fédéral a mis sur pied des mesures destinées à améliorer l’employabilité des seniors. Pourquoi alors avoir abandonné ces pratiques ?

Il est aussi du devoir de la Confédération de renforcer la coordination avec les cantons. De même, la collaboration avec les associations patronales doit aussi être intensifiée. Elles sont d’ailleurs demandeuses.

Il est temps que le Conseil fédéral s’active : la lutte contre la pénurie de personnel qualifié est un des plus grands défis économiques auquel la Suisse sera confrontée ces prochaines années. C’est pourquoi elle doit être au coeur des priorités de notre gouvernement.

Notre pays ne peut pas se contenter de mesurettes. Le succès de notre économie repose notamment sur la main-d’œuvre qualifiée. C’est elle qui contribue à la compétitivité des entreprises, à leur capacité d’innovation et in fine à la prospérité de la Suisse.

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLRVD