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La Suisse a besoin de moyens à la hauteur des menaces cyber

Article paru dans le Matin Dimanche, paru le 01.05.2022

Il ne se passe pas un jour sans que la Suisse soit frappée par des cyberattaques. La menace qui était ponctuelle, il y a encore quelques mois, est devenue aujourd’hui un danger permanent. La situation est grave. Et l’heure n’est plus au constat mais à une riposte rapide si nous voulons lutter de manière efficace contre les délits induits par les technologies du numérique.

Ces « nouveaux cambriolages du XXIème siècle » qui se distinguent surtout par le chantage et l’extorsion, ont pris une ampleur inquiétante. Le nombre d’infractions numériques a bondi de 24% l’an dernier en Suisse. Or ces cas ne sont que la pointe de l’iceberg, car ils ne concernent que ceux rapportés et dénoncés à la police.

D’autres chiffres révèlent que les tentatives d’intrusion enregistrées par nos entreprises ont progressé de 65% en 2021 par rapport à 2020. Et depuis la guerre en Ukraine, notre pays doit s’attendre à des attaques massives depuis la Russie. Une recrudescence qui a de quoi inquiéter.

D’autant plus qu’une attaque peut se manifester à chaque connexion. Plus personne n’est à l’abri. Les cybercriminels ciblent aussi bien les institutions publiques ou privées que les individus et les entreprises. Chacun se souvient du piratage des données du CICR, des communes de Rolle et de Montreux, des cabinets médicaux neuchâtelois et de l’université du même canton. Aujourd’hui, cette nouvelle forme de criminalité, qui rapporte des milliards, s’est structurée et professionnalisée.

Malgré ces événements préoccupants, la Suisse reste à la traîne. Dans le classement de l’Union international des télécommunications sur la cybersécurité, elle occupe la 42e place, derrière la Macédoine du Nord, la Tanzanie, la Hongrie et le Kazakhstan. Un score qui interpelle, car nous avons les moyens de faire beaucoup mieux.

Le procureur de la Confédération en est convaincu. Dans un appel lancé récemment, il réclame la mise en place d’une base de données fédérale sur les cybercrimes. Il a raison. Cette plate-forme permettrait aux autorités de poursuite d’agir plus vite si les infractions sont référencées au niveau suisse. Une motion dans ce sens a été acceptée au Parlement en 2018. Mais depuis, aucun projet n’est sorti des marmites fédérales.

Actuellement, les policiers n’ont accès qu’aux bases de données exploitées par leur canton. Ils n’ont pas de vision globale alors que le problème est global. Ce qui profite aux cybercriminels qui peuvent le plus souvent échapper à toute sanction.

Avec la base de données fédérale, les informations seront mises en réseau et partagées. Les victimes pourront être aidées et les coupables appréhendés plus vite. La saisie et la conservation des données de manière centralisée représentent un avantage indéniable.

Certes, le domaine des données est sensible. Certains milieux ne manqueront pas de rappeler l’affaire des fiches. Mais les informations devront être priorisées, régulièrement actualisées et effacées. Pas question de les étatiser.

Si nous voulons enrayer ces cyberattaques, nous devons aussi donner davantage de moyens d’engagement à l’Office fédéral de la police. Par exemple : des policiers formés aux investigations. Un « cyber-commissariat » au sein de la Police judiciaire fédérale qui contribuera à renforcer les procédures pénales « cyber » du Ministère public de la Confédération. C’est d’ailleurs une recommandation du Contrôle fédéral des finances.

Qu’attend alors le Conseil fédéral pour prendre des mesures ?  Lors de la session parlementaire de mai, je vais demander au gouvernement où en est la mise en œuvre d’une base fédérale de données sur les cybercrimes et sur la requête exigeant plus de ressources afin de maintenir la pression. Il est urgent et important de revoir nos ambitions en matière de sécurité à la hausse. Qu’elles soient enfin à la hauteur de la menace.

 

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLR

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