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Lutte contre le terrorisme : nous ne sommes pas prêts

Article paru dans le Confédéré 17.03.2023

L’attentat du djihadiste Morges qui a entraîné la mort d’un jeune homme, aurait-il pu être évité ? La question est relancée par l’Autorité de surveillance du Ministère public (AS-MPC). Dans son rapport, qui vient d’être publié, elle pointe du doigt plusieurs défaillances et appelle à optimiser certaines procédures en matière de lutte contre le terrorisme.

Pour rappel : en janvier dernier, un ressortissant turco-suisse était condamné à 20 ans de prison pour avoir assassiné, au nom d’Allah, un jeune Portugais de 29 ans dans un kebab de Morges, en septembre 202O. Or le meurtrier était sorti de prison deux mois plus tôt, au bénéfice d’une analyse psychiatrique favorable. Il avait été incarcéré pour avoir tenté de faire exploser une station-service à Prilly en 2019.

Le drame de Morges a suscité non seulement une profonde indignation mais aussi des interrogations. L’Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération a donc enquêté. Elle a constaté plusieurs lacunes notamment dans le cadre de la communication entre les autorités fédérales et cantonales ainsi que des erreurs d’appréciation sur la dangerosité de l’agresseur.

Ces manquements ont conduit l’AS-MPC à émettre des recommandations telle que la création d’un organe de coordination, incluant toutes les autorités concernées, afin de favoriser la collaboration et la coordination entre la Confédération et les cantons

L’Autorité de surveillance demande aussi des améliorations dans le cadre de l’évaluation de la dangerosité des auteurs. Dans l’affaire de Morges, le caractère dangereux de l’assaillant a été mal évalué. Le Service de renseignement de la Confédération et le Ministère public fédéral avaient tous deux identifié l’agresseur comme « dangereux pour la sécurité publique ». Or c’est l’avis du psychiatre qui a prévalu. Il a considéré que des mesures ambulatoires suffisaient. On a vu le résultat.

En 2020 déjà, j’exigeais, par le biais d’une motion, que la loi pose des conditions claires permettant d’identifier l’existence d’une menace terroriste avant que la personne ne soit libérée. Je proposais qu’une 2ème expertise psychiatrique indépendante soit ordonnée, comme c’est le cas lors de la libération de l’internement e délinquants sexuels et violents. Je réclamais également que les avis des autorités de poursuite (police, ministère public, service de renseignement) soient pris en compte.

Le Parlement a refusé ma motion à l’époque. Aujourd’hui l’Autorité de surveillance prône la même voie. Elle suggère qu’en cas de doute et en l’absence d’expertise psychiatrique, on fasse appel à un psychiatre forensique pour évaluer la dangerosité d’un radicalisé avant sa libération. Et, elle incite les procureurs fédéraux à suivre une formation continue dans ce domaine.

Les recommandations de l’Autorité de surveillance sont pertinentes et doivent être rapidement suivies d’effet. Nous devons tirer les enseignements de l’attentat de Morges afin d’apprendre à travailler ensemble et à réduire les erreurs de jugement. Nous devons nous doter des moyens et des compétences nécessaires ainsi que d’une coordination optimale entre les autorités.

Je viens d’interpeller le Conseil fédéral pour savoir quand et comment il entend mettre en oeuvre les conclusions de l’AS-MPC. Envisage-t-il d’augmenter les effectifs et les ressources financières du MPC dans le cadre des infractions terroristes et a-t-il engagé des discussions avec les cantons sur ces propositions ?

La guerre en Ukraine et la pandémie COVID nous ont fait oublier les actes de terrorisme. Le danger est pourtant toujours bien présent dans notre pays. Il reste même élevé selon le Service de renseignement. Mais il est devenu plus diffus et émane surtout d’individus isolés, nourris de propagande et radicalisés. Nous devons être prêts à faire face à cette menace pour protéger la population.

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLR VD