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Nous devons protéger nos jeunes de la radicalisation

Article paru dans le Matin Dimanche le 28 avril 2023

Depuis le début de l’année, sept adolescents âgés de 15 à 18 ans ont été arrêtés en lien avec le terrorisme, dans notre pays. Plus grave encore. Un de ces jeunes a poignardé une personne de confession juive, au nom de Daech. Des drames qui montrent que de plus en plus de jeunes se radicalisent chez nous.

Les extrémistes cherchent les jeunes là où ils se trouvent : sur les réseaux sociaux ou les plateformes de jeux. Ils ciblent les plus vulnérables. Ceux qui sont socialement isolés, en rupture, en colère, facilement influençables. Plusieurs des jeunes récemment appréhendés ont été endoctrinés par l’intermédiaire de plateformes de jeux comme Roblox, détournés pour véhiculer de la propagande djihadiste.

Avec la montée de la radicalisation et dans le contexte géopolitique actuel, la menace terroriste est jugée élevée. D’autant plus que la Suisse figure sur la liste des Etats considérés, par les djihadistes, comme hostiles à l’islam. Le risque le plus important étant actuellement le passage à l’acte d’individus « isolés » mais en réalité fort bien connectés à des réseaux internationaux.

Nous ne pouvons pas laisser cette situation se dégrader. Commençons par protéger nos jeunes. Mettons en place une stratégie de prévention les informant des dangers de la radicalisation en ligne, comme nous le faisons pour les protéger contre la pédocriminalité. Nous devrions aussi mieux cadrer les réseaux sociaux. Il est indispensable de mettre un terme aux zones de non droit et aux abus sur les réseaux sociaux.

La Suisse ne dispose pas de cadre légal suffisant. Nous pourrions nous inspirer du Digital Services Act adopté par l’Union européenne. Ce texte vise à lutter contre la propagation de contenu illicite en ligne. L’objectif est de rappeler que ce qui est interdit dans la vraie vie l’est aussi dans le monde virtuel.

Donnons aussi au Ministère public et à la police fédérale davantage de ressources. Ils leur manquent cruellement des ressources. Il leur faudrait entre 100 et 150 inspecteurs supplémentaires pour pouvoir suivre tous les dossiers.

Enfin, nous devons réunir nos forces. Certes, la coordination et la coopération entre les différentes polices est bien rôdée. Mais le fédéralisme a ses limites. 26 polices cantonales, 26 ministères publics, un Ministère public de la Confédération, une police fédérale et un service de renseignement.

Ce « mille-feuilles » complique sérieusement la lutte contre les menaces transfrontalières comme le terrorisme. Des individus passent entre les mailles du filet, à l’image du terroriste qui a poignardé un autre jeune à Morges. Et il est extrêmement difficile de savoir où des attaques vont se produire.

Une des réponses à ces problèmes serait la création d’un parquet fédéral antiterroriste, comme je l’avais déjà suggérée en 2021. A l’époque, le Conseil fédéral a estimé que ce n’était pas nécessaire.

Mais le danger a évolué et une telle mesure est réclamée également par le Procureur général de la Confédération et par plusieurs commandants de polices cantonales. Je vais donc revenir à la charge lors de la prochaine session parlementaire.

À l’image de la France, notre pays doit pouvoir disposer d’une force de frappe judiciaire antiterroriste.  Elle contribuera non seulement à fédérer les compétences mais aussi à mieux maîtriser la complexité des enquêtes et à améliorer la connaissance des mécanismes de la coopération et de l’entraide pénale internationale.

Autre avantage : dans le cas de la radicalisation des jeunes, la compétence judiciaire revient aux tribunaux cantonaux des mineurs. Or ces derniers ne sont pas spécialisés dans les délits terroristes et ne disposent pas toujours des moyens nécessaires.

Le risque de radicalisation de nos jeunes est bien réel. Arrêtons de croire que le terrorisme n’arrive que chez les autres. Notre riposte doit donc être à la hauteur des menaces.

Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale