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La Suisse a besoin d’une stratégie industrielle

Article paru dans le Confédéré le 26 avril 2024

Le franc fort et la tendance au protectionnisme donnent du fil à retordre à nos entreprises. S’y ajoutent les nombreuses incertitudes liées au contexte géopolitique actuel et le manque de main-d’oeuvre. Les conditions sont réunies pour freiner à la fois la croissance et mettre notre économie sous pression. Il devient donc urgent de plancher sur une stratégie industrielle pour notre pays. C’est ce qu’exige une motion, que j’ai signée avec l’ensemble de mes collègues vaudois du Conseil national.

Le déclencheur de cette démarche a été l’annonce du fabricant Vetropack de fermer son usine d’emballage de verre de St-Prex. 180 emplois sont touchés. Cette entreprise est pourtant fortement ancrée dans l’économie locale et indispensable notamment pour les vignerons et les brasseurs de la région. La fermeture du seul site suisse de verre imposerait aux producteurs de boisson d’importer du verre de l’étranger. Une décision qui va à l’encontre du bon sens, alors que la tendance est de privilégier les circuits courts et que le Parlement vient d’adopter une loi sur l’économie circulaire.

Le cas de St Prex n’est pas le seul. A Soleure, la plus grande usine de recyclage d’acier, Stahl Gerlafingen, vient d’annoncer la fermeture d’une de ses deux lignes de production. Une centaine d’emplois sont menacés. Et selon divers experts, d’autres mauvaises nouvelles devraient suivre. Les secteurs des machines et celui de la métallurgie affrontent des difficultés qui pourraient conduire à des suppressions de poste.

La situation devient préoccupante. Si nous voulons conserver notre tissu industriel et notre savoir-faire, nous devons les soigner. Pour y arriver, nous devons prendre des mesures rapidement, notamment en proposant des incitatifs et des conditions cadres qui permettent à nos entreprises de rester dans la course.

C’est d’autant plus nécessaire au moment où les Etats-Unis accroissent leurs investissements et leurs soutiens à leurs entreprises par le biais d’un programme de relance, appelé Inflation Reduction Act. Avec le Green Deal Industrial Plan, dont l’objectif est d’accélérer le développement des énergies renouvelables et la transition des industries, l’Union européenne agit de la même manière. Avenir Suisse estime qu’en 2023 au moins 1700 milliards de dollars de subventions ont été accordés dans le monde. Un record.

Ces plans de relance représentent incontestablement une distorsion de la concurrence qui peut conduire à un risque important de délocalisation des entreprises helvétiques. C’est ce qui s’est passé avec la décision du fabricant bernois de panneaux solaires Meyer Burger. Il a choisi de construire une nouvelle usine de cellules photovoltaïque aux Etats-Unis et non pas chez nous, afin de bénéficier des généreuses subventions du « Reduction Inflation Act ».

Certes, la Suisse ne peut pas s’aligner au niveau des grandes puissances. Mais elle a le devoir de tout mettre en œuvre pour que nos entreprises suisses demeurent concurrentielles. D’où la nécessité d’élaborer une stratégie industrielle. Il ne s’agit pas de mettre en place une « usine à gaz » ou de maintenir sous perfusion des entreprises qui ne sont pas viables, mais d’avoir une discussion sur les solutions, les instruments qui nous permettront de garder les secteurs industriels stratégiques.

Citons parmi les pistes à explorer le fait de favoriser des accords de libre-échange, alléger la bureaucratie, promouvoir la formation professionnelle et les investissements dans la recherche et le développement ou encore renforcer nos infrastructures. Rappelons-nous que l’absence d’une politique industrielle peut mettre en danger aussi notre la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

La balle est maintenant dans le camp du Conseil fédéral. Nous attendons que le gouvernement donne maintenant les impulsions indispensables à cette stratégie industrielle afin d’assurer le plein emploi et la prospérité. Il faut éviter que la Suisse ne se réveille trop tard.

Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale