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Quelle immigration voulons-nous ?

Article paru dans le Matin Dimanche 12.03.2023

La Suisse est confrontée à un véritable dilemme. Elle peine à recruter des ingénieurs, des informaticiens, du personnel de santé ou encore des serveurs alors qu’elle va franchir le cap des 9 millions d’habitants et que l’immigration européenne est en hausse. Une situation contradictoire qui suscite remous et interrogations. C’est l’occasion de dépoussiérer notre politique migratoire. Nous avons l’opportunité de redéfinir à nos besoins – notamment en matière de main-d’œuvre – et d’ajuster notre législation en conséquence.

Le paradoxe est saisissant. Notre économie se porte bien. Les carnets de commande sont pleins. Mais pour la première fois, en 2021, plus de personnes actives sont parties à la retraite que de jeunes ne sont arrivés sur le marché du travail. Cette absence de travailleurs est encore accentuée par un chômage très bas, se situant aux alentours de 2%.

Cette tendance va se poursuivre. Il devrait manquer près d’un demi-million de travailleurs d’ici à 2030 en Suisse. Et ce n’est pas uniquement notre pays qui a des difficultés à trouver du personnel : c’est toute l’Europe qui est frappée par le vieillissement de la population. Or le Vieux continent était jusqu’à présent notre meilleur réservoir de main-d’oeuvre.

Des réformes seront indispensables pour mettre en place une politique migratoire efficace et de qualité tendant à réduire les nombreux obstacles rencontrés par les entreprises. Il ne s’agit pas de tout ouvrir mais de gérer de manière plus intelligente notre immigration. Une économie spécialisée comme la nôtre exige du pragmatisme et de la cohérence.

Si nous voulons augmenter l’attractivité de notre économie, nous devons commencer par améliorer les conditions-cadres ayant trait à la mobilité des personnes en provenance de pays tiers. Il faut avoir davantage de souplesse. C’est ce que fait par exemple l’Allemagne qui a choisi d’embaucher des infirmières philippines ou tunisiennes. En comparaison internationale, la Suisse est à la traîne dans ce domaine.

De la flexibilité aussi pour garder chez nous les talents de demain. Après l’obtention de leur diplôme, les étudiants étrangers qualifiés doivent pouvoir rester en Suisse, Un premier pas a été fait avec la concrétisation de la motion Dobler par le Conseil fédéral.

Le texte prévoit que les titulaires d’un master ou d’un doctorat obtenu dans un secteur marqué par une forte absence de main-d’œuvre spécialisée, doivent pouvoir travailler en Suisse même s’ils viennent d’un pays tiers. Les Chambres fédérales en discuteront prochainement.

Un visa pour les start-up serait également une bonne réponse à cette pénurie. Elle encouragerait les entrepreneurs à venir réaliser leurs idées novatrices chez nous. Plusieurs états ont déjà pris de telles dispositions. Le National vient d’approuver un projet dans ce sens. Espérons qu’il pourra être mis en œuvre rapidement.

Voici quelques pistes. Mais nous pouvons aller plus loin en élaborant des procédures simples et rapides qui favoriseraient la venue d’une main-d’œuvre spécifique. Créer un guichet unique pour faciliter les démarches d’embauche. Etudier le système à points introduit par l’Autriche, l’Angleterre ou encore le Canada qui permet d’octroyer des visas ou des permis de séjour selon les priorités du pays.

L’immigration a indiscutablement contribué à notre prospérité et au dynamisme de notre économie. Grâce à elle, nos tunnels, nos barrages ont été construits. De grandes entreprises, à l’instar de Nestlé ont été fondées par es immigrés. L’innovation aussi leur doit beaucoup.

Les défis économiques que la Suisse va devoir relever ces prochaines années sont importants. Nous ne pourrons pas résoudre nos problèmes de main-d’œuvre sans adapter notre politique migratoire à nos besoins. Et que nous le voulions ou non, nous n’échapperons pas à la question : quelle immigration voulons-nous ? Il est temps d’en débattre.

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLR