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Des enfants violents envers leurs parents : oser en parler

Article paru dans Le Matin Dimanche le 02.07.2023

Une mère menacée par sa fille avec un couteau.  Un père violemment poussé contre un mur par un ado. Des parents régulièrement insultés, rabaissés par leurs enfants : ces situations malheureusement existent. On assiste alors à un renversement de la hiérarchie familiale, où les parents ne peuvent plus poser de règles ni prendre de décisions. Un nombre croissant de familles se retrouve confronté à cette colère.

La violence d’enfants envers leurs parents, (appelée VEP), est en progression, nous avertissent les spécialistes et les milieux concernés. De plus en plus d’enfants et d’adolescents adoptent un comportement agressif et répété envers leurs parents. La Suisse n’est pas épargnée par ce phénomène.

La VEP est insidieuse, douloureuse et traumatisante. Elle s’exprime sous différentes formes. Elle peut être verbale, physique, émotionnelle, financière et même sexuelle. Ce sont souvent les mères qui sont les victimes. Mais pas seulement. Des familles, issues de tous les milieux sociaux sont touchées par ce fléau. Parmi les raisons de cette violence, le changement de modèle familial jouerait un grand rôle.

Les parents se retrouvent souvent désemparés.  Car ils ne savent pas comment réagir quand le recadrage n’a pas suffi. La majorité d’entre eux hésite à porter plainte. Ils ont honte et des scrupules. Ils culpabilisent, ayant l’impression d’avoir échoué dans leur rôle de parents. Et ils restent surtout attachés à leurs enfants et préfèrent souffrir en silence.

Les cas de VEP sont souvent découverts par le biais de dysfonctionnements signalés hors du cercle familial, à l’école ou lors d’enquêtes pénales ouvertes pour d’autres motifs. C’est la pointe de l’iceberg, car il y a toutes les affaires qui ne sont pas connues.

Car la violence envers les parents est toujours un sujet tabou. Les spécialistes dans notre pays se plaignent de ne disposer ni d’état des lieux ni de chiffres précis sur cette thématique, alors que des études ont été menées au niveau européen et international. Il est pourtant important que cette forme d’agressivité envers les parents soit appréhendée et reconnue pour qu’elle puisse être traitée en conséquence.

La VEP entraîne des problèmes sociaux et financiers. Il appartient ensuite à la société qui de gérer les conséquences de cette maltraitance. A savoir les soins, la gestion de la violence, l’isolement ainsi que le chômage. Et enfin le développement des enfants auteurs peut être mis en danger. Ce qui est contraire aux engagements internationaux de la Suisse. Notre pays a en effet ratifié en 1997 la Convention des droits de l’enfant.

Même si la violence du jeune n’est pas toujours intentionnelle, elle fait de gros dégâts.  Elle doit être impérativement prise au sérieux. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sous prétexte que c’est une affaire privée. Il s’agit au contraire d’un problème de santé et de sécurité publiques.

Nous devons mettre en place une stratégie pour sensibiliser la population à cette maltraitance. La rendre plus visible pour aider ces familles à sortir de la tyrannie.

J’ai demandé au Conseil fédéral non seulement de faire un état des lieux sur cette problématique mais aussi d’indiquer quelles sont les différentes solutions et les ressources financières nécessaires pour endiguer et prévenir cette maltraitance.

La Confédération documente et recense régulièrement les accidents de la route, la propagation du SIDA. Faisons de même avec la VEP. Elle doit être thématisée afin que les parents maltraités puissent se manifester.

La violence d’enfants envers leurs parents constitue un fait social et un défi politique. Il est de notre responsabilité de les prévenir mais aussi de prendre les mesures de protection qui s’imposent. Car aucune forme de violence n’est acceptable.

Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale PLR