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Donner davantage de moyens à la Suisse pour contrer la cybercriminalité

Article paru dans le Confédéré, le 21.05.2022

Chaque jour, des cyberattaques frappent la Suisse. Les cybercriminels ciblent aussi bien les institutions publiques ou privées que les individus et les entreprises. Que ce soit les données du CICR, des communes de Rolle et de Montreux, des cabinets médicaux, de l’université du même canton, du groupe Emil Frey, les éditions Slatkine. Plus personne à l’abri.

D’autant plus que cette nouvelle forme de criminalité va encore se développer, comme le prouvent les nombreuses et récentes cyberattaques en provenance de Russie et de Chine. Ces pirates qui agissent à distance, cachés derrière leur logiciel en utilisant de fausses identités, se sont structurés et professionnalisés. Chaque secteur ou objet connecté à Internet est susceptible de devenir la proie de ce fléau virtuel.

Comment enrayer cette dynamique ? Le bilan de la Suisse dans ce domaine est très mitigé : notre pays est en retard. Dans le classement de l’Union international des télécommunications sur la cybersécurité, il occupe la 42e place, derrière la Macédoine du Nord, la Tanzanie, la Hongrie et le Kazakhstan.

Aujourd’hui seules les infrastructures critiques sont protégées au niveau national. Seule aussi la Confédération dispose des ressources et des compétences nécessaires pour se prémunir contre les cyberattaques, d’où la nécessité d’agir rapidement.

Des procureurs et des policiers réclament la mise en place d’une plate-forme de données fédérale sur les cybercrimes. En 2019 déjà, le Parlement a accepté une motion de la libérale radicale Corina Eichenberger qui exige la création d’une base de données de police nationale et centralisée ou une plateforme reliant les bases de données de police cantonales existantes

Avec une telle base de données fédérale, les autorités de poursuite pourraient agir plus vite si les infractions sont référencées au niveau suisse. Les séries des cas commis par les mêmes auteurs seraient par exemple identifiés, permettant une poursuite plus efficace. Les informations seraient mises en réseau et partagées.  Elles seraient priorisées, régulièrement actualisées puis effacées.

Actuellement, les policiers n’ont accès qu’aux bases de données exploitées par leur canton. Ce qui profite aux cybercriminels qui échappent souvent à toute sanction. La saisie et la conservation des données de manière centralisée représentent donc un avantage indéniable.

Si nous voulons enrayer ces cyberattaques, nous devons aussi donner davantage de moyens d’engagement à l’Office fédéral de la police (fedpol). Un avis partagé par le Contrôle fédéral des finances qui a procédé il y a quelques mois, à un audit sur l’efficacité de la lutte contre la cybercriminalité.

L’audit montre que les cantons et le Ministère public de la Confédération (MPC) recourent régulièrement aux services de la Police judiciaire fédérale. Les cantons ont identifié un besoin d’analyse de la cybercriminalité que fedpol pourrait développer à l’avenir. De son côté, le MPC souhaiterait renforcer la collaboration avec fedpol.

Dans ses recommandations, le Contrôle fédéral des finances  suggère de créer « un cyber-commissariat dans la division de l’Entraide judiciaire, terrorisme et droit pénal international et d’évaluer avec le Ministère public de la Confédération, le type d’organisation permettant de garantir la gestion efficiente des enquêtes que ce dernier lui confie ». La création d’un tel cyber-commissariat impliquerait l’engagement d’une vingtaine de nouveaux collaborateurs chez fedpol.

Malgré l’adoption de la motion Eichenberger, il y a trois ans, et la recommandation du Contrôle fédéral des finances, aucun projet n’a été soumis au Parlement. Lors de la session de mai, j’ai demandé au Conseil fédéral, où en est la mise en œuvre d’une base fédérale de données sur les cybercrimes et s’il entend concrétiser la requête exigeant plus de ressource.

Nous devons maintenir la pression si nous voulons que la Suisse puisse enfin contrer les cyberattaques et se montrer à la hauteur de la menace.

 

Jacqueline de Quattro

Conseillère nationale PLR VD