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La Suisse, dernier de classe ?

Article paru dans Le Matin Dimache, le 24 janvier 2021

Jusqu’à présent, la Suisse a toujours su se débrouiller en temps de crise. Elle a évité les guerres et affronté les difficultés. Petite mais ingénieuse, elle s’en sortait plus forte qu’avant, suscitant un sentiment de fierté à sa population. Ces derniers temps, le doute s’est installé tant notre pays navigue à vue. Il a perdu sa boussole.

Pour maîtriser cette pandémie, nous devons vacciner la population qui le souhaite, et vite. D’autres pays y arrivent. Nous pas. La campagne de vaccination tourne à la cacophonie. La Confédération, les cantons et les milieux de la santé ne cessent de se renvoyer la balle, augmentant encore les dissonances. La confusion est partout, l’incompréhension s’amplifie. La menace d’un fiasco général grandit. Les Suisses se sentent avec raison de plus en plus démunis, beaucoup désespèrent.

Pendant ce temps, les commerces sont fermés, les hôtels se vident, des restaurant font faillite, de nombreuses personnes se retrouvent au chômage, les formations se déroulent dans des conditions difficiles, les jeunes ne peuvent plus se réunir, les aînés vivent de plus en plus isolés. Une situation qui a de quoi entacher l’image d’une Suisse qui se veut championne de l’organisation et de la prévention !

Face à contexte chaotique, les interrogations se multiplient : avons-nous commandé assez de doses ? Ou trop tard ? Avons-nous voulu réaliser des économies ? Le scénario des masques se répète-t-il ? Avons-nous suffisamment anticipé la logistique en particulier dans les cantons ? Pourquoi ne recourons-nous pas systématiquement aux médecins et aux pharmaciens alors que le temps nous est compté ? Quelle est la stratégie ? Au printemps dernier, j’ai demandé au Conseil fédéral de mettre en place, par le biais d’une motion, une task force d’experts pour nous préparer à une deuxième vague. J’attends toujours.

La campagne de vaccination est en train de prendre des allures de bérézina.  Et les Suisses ont la pénible impression qu’on leur cache la vérité sur la gravité de la situation. Leurs questions légitimes restent pourtant sans réponse alors que chaque jour de nouveaux dysfonctionnements sont mis en évidence. Ce silence serait-il in fine l’illustration de l’incapacité de notre pays à gérer la crise ?

Car toutes les lacunes constatées, ne s’expliquent pas uniquement par notre structure fédéraliste. Non; il apparaît que la Suisse n’a pas su anticiper. Elle a manqué de clairvoyance. Un comble pour un Etat qui se veut pragmatique. Notre pays a privilégié une prudence toute helvétique qui nous conduit droit dans l’impasse.

Malgré ce contexte chaotique, nous ne devons pas perdre de vue que notre ambition est l’éradication du virus. Nous avons donc besoin -aujourd’hui et pas demain-, d’une stratégie de vaccination pour l’ensemble du pays, définissant qui peut se faire vacciner, quand et où, avec des objectifs concrets à atteindre chaque mois, et de rendre la livraison ainsi que la distribution des vaccins plus performantes.

Il nous faut aussi une campagne de communication forte et transparente en faveur de la vaccination, afin de contrer la désinformation qui circule massivement sur les réseaux sociaux et qui cause des dégâts importants auprès de la population et même du personnel soignant.

Nous sommes lents. Désespérément lents. En décembre 2020, le Parlement fédéral a alloué 2,5 milliards aux cas de rigueur. A peine 8,4 millions ont atteint leurs destinataires. Dans le courant de l’été, le Conseil fédéral a commandé des vaccins. Cinq mois après, à peine 170’000 personnes ont été vaccinées sur plus 8 millions d’habitants. Des statistiques que nous devons impérativement inverser si nous ne voulons pas devenir les derniers de classe.

Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale vaudoise