Medtech : le Conseil fédéral doit relancer les négociations avec Bruxelles
Article paru dans le Confédéré, le 27 août 2021Après l’abandon de l’accord-cadre, les rétorsions de l’Union européenne ne se sont pas faites attendre à l’encontre de la Suisse. Elle l’a exclue de son programme de recherche Horizon et a coupé les vivres à plusieurs de nos chercheurs. Autre victime de taille : la technologie médicale helvétique qui a perdu son libre accès au marché unique de l’UE. Elle a été rétrogradée au rang d’Etat tiers. Les 27 ont refusé de mettre à jour l’accord de reconnaissance mutuelle. Une décision lourde de conséquences car elle pénalise non seulement les entreprises medtech mais elle risque aussi de provoquer un renchérissement des prix ainsi qu’une perte de compétitivité de notre pays. La situation est préoccupante.
Jusqu’à l’arrêt des négociations avec l’UE, le climat était serein entre Bruxelles et la branche des medtech. Grâce aux Accords bilatéraux, les obstacles techniques au commerce entre la Suisse et l’UE étaient levés et l’accès mutuel au marché était assuré. Mais voilà, l’annonce du Conseil fédéral a assombri le ciel. A l’avenir, les fabricants de sparadrap, de seringues, de stimulateurs cardiaques, d’appareils ultrasons ou encore d’attelles devront se conformer à des exigences plus strictes pour l’exportation de leurs dispositifs médicaux vers l’UE.
Le nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux (RDM) remplace les directives européennes existantes (MDD). Cela signifie que chaque firme suisse doit nommer un représentant dans un des pays de l’Union et certifier ainsi qu’étiqueter leurs produits conformément à la réglementation des 27. Cette disposition frappe de plein fouet de nombreuses entreprises, particulièrement des PME et des start-up.
Selon la faîtière Swiss Metch, 60 fabricants craignent pour leur avenir si elles n’obtiennent pas rapidement le fameux sésame pour vendre leurs produits en Europe. Elles redoutent qu’en cas de retard de commercialisation, leurs clients européens se tournent vers d’autres fournisseurs de l’UE. Le problème touche aussi des camions suisses transportant du matériel médical, bloqués aux frontières européennes. Les menaces sont devenues réelles. Des millions qui sont en jeu.
L’exigence de Bruxelles tombe très mal. Dans la gestion de la pandémie actuelle, la technologie médicale joue un rôle central pour le système de santé et doit relever des défis importants. De plus, ces représailles commerciales ont un coût. Selon Swiss Metch, les frais administratifs liés au respect des exigences posées aux Etats tiers s’élèvent à 114 millions dans un premier temps et à 75 millions de manière récurrente chaque année. De l’argent qui ne sera investi ni dans les entreprises ni dans la recherche.
Plus grave encore est la perte d’attractivité de notre pays. Innover en Suisse devient plus compliqué. Les entreprises qui souhaitent établir leur siège en Europe risquent d’investir ailleurs que chez nous en raison de la bureaucratie liée au statut d’Etat tiers. Et des start-up suisses pourraient être tentées de choisir de s’installer dans l’UE. Ce qui va prétériter encore un peu plus le secteur de la recherche déjà fragilisée. Or nous avons besoin plus que jamais de l’innovation pour garantir notre prospérité.
Il est impératif que le Conseil fédéral reprenne les discussions avec Bruxelles au sujet des medtech. Berne doit clarifier et débloquer la situation avec l‘UE. D’autant plus qu’un compromis était sur le point d’aboutir et qui aurait prolongé de trois ans la validité des homologations réalisées en Suisse sous l’ancien régime.
Dans une interpellation, déposée la dernière session, j’ai demandé au Conseil fédéral quelle stratégie il a prévu de mettre en place. Quelles mesures, il va prendre pour réduire l’impact de cette situation sur les entreprises suisses en matière d’exportation dans l’EU.
Les milieux de la medtech attendent du Conseil fédéral qu’il prenne leur défense. Cette insécurité juridique nuit à la branche qui est un des fleurons de notre industrie d’exportation. La Suisse est en effet avec l’Irlande, le pays avec la plus forte densité de medtech au niveau international, loin devant les USA ou l’Allemagne. Forte de 1400 entreprises, la branche pèse plus de 17 milliards et 60 000 emplois. C’est autant que l’horlogerie.
Il est urgent de relancer les négociations avec nos voisins européens et de trouver une solution afin de sortir les medtech suisses de cette impasse. Notre économie s’en trouvera renforcée.
Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale PLR vd