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Renouer le dialogue avec Bruxelles pour sauver les medtech

Article paru dans le Temps, le 1er juillet 2021

L’abandon des négociations sur l’accord cadre a fait sa première victime : l’industrie de la technologie médicale (Medtech). Elle a perdu son libre accès au marché intérieur de l’Union européenne, la Suisse étant reléguée au rang d’Etat tiers. Les 27 ont en effet refusé de mettre à jour l’accord de reconnaissance mutuelle. Une situation préoccupante qui pénalise non seulement les entreprises medtech mais risque aussi de provoquer des pénuries de dispositifs médicaux, un renchérissement des prix ainsi qu’une perte de compétitivité de notre pays.

En l’absence d’un accord-cadre, l’UE a pris des mesures de représailles. Elle a mis en oeuvre un nouveau règlement sur les dispositifs médicaux (RDM). Cela signifie concrètement que chaque entreprise suisse devra avoir nommé un mandataire comme représentant légal dans un des 27 Etats membres de l’Union, faire certifier ses produits par un organisme reconnu par Bruxelles. Un véritable parcours du combattant.

Avec ces contraintes, 54 fabricants sont menacés de disparaître. Ils ne pourront pas obtenir le fameux sésame pour vendre leurs produits en Europe avant de nombreux mois. Ils craignent à juste titre qu’en cas de retard de commercialisation, leurs clients européens se tournent vers d’autres fournisseurs de l’UE et les contraignent à mettre la clé sous le paillasson.

Autre difficulté : les fabricants européens doivent eux aussi à l’avenir avoir un mandataire en Suisse. Cette exigence diminue l’intérêt de notre marché, d’où l’inquiétude des professionnels de la santé de manquer de certains dispositifs médicaux. Elle anéantit également la possibilité de réaliser des importations parallèles.

De sombres nuages s’accumulent aussi sur la recherche. Les start-up actives dans la medtech ont désormais des conditions moins favorables que leurs concurrents européens. Conséquence, l’attrait à innover en Suisse sera moindre pour les investisseurs et les entrepreneurs qui pourraient préférer d’autres places de choix pour développer leurs produits. Ce qui prétérite encore un peu plus la recherche déjà fragilisée par la décision de l’UE d’écarter notre pays de l’ambition programme européen Horizon qui s’étend de 2021 à 2027.

Ces barrières commerciales ont un prix pour la medtech. Le coût est estimé à plus de 100 millions. Il faut ajouter environ 75 millions chaque année pour les charges administratives supplémentaires, nécessaires à l’homologation des produits dans l’UE. Des millions qui ne seront pas non plus investis dans la recherche.

Il est donc essentiel que le Conseil fédéral reprenne sans tarder les discussions avec Bruxelles, car le secteur de la technologie médicale est un axe important de notre industrie d’exportation.  La Suisse est, avec l’Irlande, le pays avec la plus forte densité de medtech au niveau international, loin devant les USA ou l’Allemagne. Forte de 1400 entreprises, la branche pèse 15 milliards et 60 000 emplois. C’est autant que l’horlogerie.

Berne doit clarifier et débloquer la situation avec l‘UE. D’autant plus qu’un compromis était sur le point d’aboutir avant que le Conseil fédéral annonce l’abandon de l’accord cadre. Les milieux de la medtech attendent du gouvernement qu’il reparte à l’offensive. Car plus cette insécurité juridique dure, plus la branche souffre.

Dans une interpellation, que j’ai déposée durant la dernière session, j’ai demandé au Conseil fédéral quelle stratégie a-t-il prévu de mettre en place ? Quelles mesures, il va prendre pour réduire l’impact de cette situation sur les entreprises suisses en matière d’exportation dans l’EU ?

L’absence de solution entraverait gravement la compétitivité de toute la branche et conduirait à un affaiblissement de la place suisse dans le milieu de la technologie médicale. Ce serait d’autant plus regrettable que notre pays investit depuis des années dans les PME et les startups des medtech par le biais de programmes fédéraux et cantonaux. Renouons rapidement le dialogue avec Bruxelles et trouvons un compromis. Il en va de la survie d’un des fleurons de notre économie

Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale PLR