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Nos PME menacées par un nouveau danger

Article paru dans le Temps, le 11 novembre 2020

Un nouveau risque plane sur nos petites et moyennes entreprises. Leur avenir est mis en danger par l’initiative populaire « pour les multinationales responsables » qui sera soumise au verdict du peuple le 29 novembre prochain. Une menace dont elles se seraient bien passées : nos PME marchent depuis des mois sur le fil du rasoir. Elles ne savent pas de quoi sera fait leur lendemain. La crise du coronavirus n’est pas terminée. Un oui à cette initiative aggravera le climat d’incertitudes et de crainte dans lequel nos PME se débattent déjà depuis le début de cette année.

Si l’initiative est pavée de bonnes intentions, les instruments proposés pour les réaliser sont excessifs et inefficaces. Le texte demande la mise en place d’une responsabilité civile supplémentaire pour les entreprises qui violeraient les droits de l’homme et les standards environnementaux internationalement reconnus, que les activités se déroulent en Suisse ou à l’étranger. Le risque est bien réel.

Nos entreprises, y compris les PME, pourront être traînées devant un tribunal suisse en raison du comportement de leurs filiales, de leurs fournisseurs ou de leurs sous-traitants étrangers. Elles seront condamnées si elles n’apportent pas les preuves qu’elles ont pris toutes les mesures de précaution en matière de respect des droits humains et de l’environnement. Elles sont présumées coupables et doivent prouver leur innocence. Une situation inacceptable pour des entreprises qui contribuent à la création de richesse en Suisse comme à l’étranger.

De plus, notre pays fera cavalier seul. Aucun autre Etat n’applique ce renversement du fardeau de la preuve. La Suisse deviendrait une sorte de gendarme de la planète, ce qui est contraire à notre culture politique construite sur le dialogue, la coopération et la solidarité.

Malgré son titre trompeur, cette responsabilité ne touchera pas que les multinationales mais des dizaines de milliers de PME.  Quelques 80’000 entreprises devront mettre en place un important et coûteux système de contrôle sans pour autant pouvoir maîtriser tous les risques.

Cette nouvelle règlementation affaiblira incontestablement nos petites et moyennes entreprises. Avec toutes ces contraintes, elles seront désavantagées dans le cadre de la concurrence internationale. La majorité d’entre elles ne pourra pas, notamment, délocaliser, contrairement aux multinationales. Et leur compétitivité sera sévèrement entravée.

Or nos PME sont la colonne vertébrale de notre économie. Elles représentent 90 % des entreprises helvétiques et génèrent deux tiers des emplois dans notre pays. Aujourd’hui elles se battent pour survivre, préserver leurs ressources, conserver leur savoir-faire et leur sens de l’innovation. Ne leur mettons pas des bâtons supplémentaires dans les roues.

Cette initiative est dangereuse tant elle fragilise et pénalise notre économie. Elle met en péril non seulement les emplois et notre prospérité mais aussi les investissements d’entreprises suisses dans les pays émergeants et en développement. Elles hésiteront désormais à s’y engager mettant un terme à des partenariats qui ont fait leurs preuves et laissant la place à des entreprises étrangères moins scrupuleuses.

Il est pourtant possible d’atteindre l’objectif recherché par d’autres moyens. Le Parlement a adopté un contre-projet qui introduit des obligations contraignantes pour notre économie. Cette réforme se base sur des normes internationales et comprend des obligations de responsabilité et de diligence raisonnables, notamment en ce qui concerne le travail des enfants et les minéraux provenant de zones de conflit.

Cette règlementation vise à renforcer la responsabilité des entreprises et à créer davantage de transparence en matière de droits humains et d’environnement sans pour autant exposer nos entreprises au risque de chantage de l’étranger. Le contre-projet n’est ni « un miroir aux alouettes », ni « une escroquerie » comme le prétendent les adversaires. Il est adapté à la réalité économique de notre pays. Il faut responsabiliser mais de manière efficace et réaliste.

En ces temps d’inquiétudes, notre pays et notre économie ont besoin de stabilité et de sécurité du droit. Le 29 novembre disons non à l’initiative et privilégions le contre-projet qui permettra de renforcer la protection des droits humains et de l’environnement. Nous ne pouvons pas nous lancer dans des expérimentations aventureuses dans des périodes de récession comme celle que nous nous apprêtons à affronter.

Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale PLR