Qui veut l’échec de la transition énergétique ?
Article paru dans Le Matin Dimanche le 03.12.2023Qui a intérêt à faire échouer la transition énergétique ? On peut légitimement se poser la question après la décision de certaines associations proches de la nature de lancer le référendum contre la réforme de l’énergie, à peine approuvée par le Parlement et les votations qui s’annoncent sur le retour du nucléaire. Des oppositions et des remises en cause qui prennent en tenaille la transition énergétique et retardent sa mise en œuvre.
Avec la guerre en Ukraine, la sécurité énergétique n’est plus garantie. La menace d’une pénurie plane. Or la demande en électricité va grimper ces prochaines années de manière significative (de 25 à 40%) en raison de l’électrification et de la digitalisation de notre société. Pour éviter que la Suisse se retrouve dans le noir, le Parlement a mis en place le « Mantelerlass », loi-cadre indispensable pour sortir des énergies fossiles et de notre dépendance de l’étranger.
Cette réforme est le fruit d’un solide compromis fondé sur la stratégie énergétique 2050 qui a été acceptée par le peuple en 2017. Elle apporte une contribution décisive à la sécurité de notre approvisionnement en électricité et à la réalisation des objectifs climatiques. Elle donne l’occasion à la Suisse de booster le développement des énergies vertes et l’efficience énergétique durant ces prochaines années.
Une formidable avancée qui est pourtant mise en danger par les référendaires. Si le non au « Mantelerlass » l’emportait dans les urnes, le tournant énergétique sera sévèrement freiné. Notre pays sera confronté à une situation aux conséquences imprévisibles. Il est donc important que les Suisses réaffirment leur volonté de renforcer la transition énergétique et la sécurité de l’approvisionnement par des solutions pragmatiques, ciblées et économiquement supportables.
Surtout que d’autres mesures seront nécessaires. Il s’agira notamment d’accélérer les procédures pour produire et distribuer l’énergie sur les réseaux.
Peu de personnes réalisent que la Suisse est le pays le plus en retard en Europe pour le déploiement des énergies renouvelable. Certes le Parlement s’est prononcé favorablement sur le « Wind express ». Mais cela ne permettra que de gagner 2 à 3 ans sur une durée moyenne de 20 à 25 ans.
Notre pays peut faire mieux. Il devrait s’inspirer de ses voisins européens où le rythme est nettement plus rapide. Les délais s’étendent sur 4 à 6 ans. Dans une directive, l’Union européenne demande même que ces périodes soient ramenées à 2 ans.
La transition énergétique va devoir également affronter un autre écueil : l’initiative populaire « Stop au blackout », ne tardera pas à être déposée. Elle veut autoriser à nouveau la construction de centrales nucléaires. Si l’on peut comprendre le souci d’approvisionner notre pays en énergie, le projet donne de faux espoirs. Les problèmes d’approvisionnement à court et moyen terme ne peuvent pas être réglés par l’atome.
Aucune centrale nucléaire ne sera construite dans les 5 à 10 ans à venir. Car la technologie des nouveaux réacteurs et les coûts ne sont pas maîtrisés. La gestion des déchets radioactifs n’est pas non plus résolue. Enfin, l’acceptation populaire est loin d’être acquise. S’il faut 25 ans pour bâtir des éoliennes, il est illusoire que de nouvelles usines atomiques prennent moins de temps.
Pour réussir la transition énergétique, il faut non seulement soutenir les énergies renouvelables et l’efficience énergétique mais également investir davantage dans les technologies de demain. Y compris dans le nucléaire afin qu’il devienne une énergie plus sûre. La Suisse, le pays de l’innovation, a des ressources et des capacités à faire valoir, avec notamment ses Hautes Ecoles, le CERN. Des plus-values qui passent aussi par une intensification des collaborations internationales.
La transition énergétique est en marche. Elle a été voulue par le peuple. Concentrons-nous sur sa concrétisation plutôt que de nous laisser entraîner dans des discussions dogmatiques qui nous font perdre du temps. On en a déjà suffisamment gaspillé, en mettant des intérêts privés avant l’intérêt général.
Jacqueline de Quattro
Conseillère nationale PLRVD